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Introduction:

      Au mois de janvier 1902, le sénateur de la Somme Hémir Raquet, père de Georges Raquet – lui-même fondateur du journal - prend la parole au Sénat, devant l’assemblée de ses pairs, pour défendre un projet de loi. Son discours, figurant sur le journal officiel de l’Assemblée, est publié dans les pages du Progrès Agricole le 5 janvier 1902.
      A travers un argumentaire engagé pour la défense des cultivateurs et des petits meuniers, Hémir Raquet, ancien professeur départemental d’agriculture, fort de ses compétences en agriculture et de son expérience « d’homme de terrain », comme l’on dirait aujourd’hui, fait la démonstration magistrale et incontestable, à Paris, de l’excellente qualité du blé français pour fabriquer le pain, et de la nécessité de soutenir l’agriculture française, face à la concurrence étrangère.
      Il est de fait que l’agriculture française, dont parle Hémir, souffre alors de l’industrialisation et de la concurrence, qui étouffent les petites exploitations, menacent la qualité, et rompent les liens de confiance entre les meuniers et les cultivateurs français. Ces derniers sont, par ailleurs, déjà fragilisés par des impôts bien plus élevés que dans les autres pays européens, en raison de la dette nationale. Eh oui, nous étions, à cette époque, le peuple « le plus endetté du monde »…

      Industrialisation ? Concurrence ? Dette française ?

      Oui… vous avez bien lu : c’était en 1902…

Guillaume Raquet.


Assemblée du Sénat, Paris, janvier 1902.

Pain français
     et Travail national

Nous nous faisons un plaisir de reproduire ci-dessous, d’après le Journal officiel, le discours prononcé au Sénat, à propos de la discussion sur la réforme de l’admission temporaire des blés, par M. H. Raquet, ancien professeur départemental d’agriculture, Sénateur de la Somme.
Ainsi que nous l’avons dit la semaine dernière, M. Raquet a tenu à faire bonne justice des deux principaux arguments invoqués, par les défenseurs de la grosse minoterie, l’argument de la pauvreté de nos blés en gluten, et celui du travail national.
Notre sénateur a prouvé de manière indiscutable que le « pain français » est excellent et que le travail des grosses minoteries ne peut, en raison même de son infime importance, être comparé au travail agricole, auquel il nuit plus ou moins directement.
Cette démonstration devait être faite ; et elle l’a été, ainsi qu’on le verra, de magistrale façon. Aucune objection, du reste, n’a été objectée à M. Raquet, qui, en la circonstance, et une fois de plus, a bien mérité de l’agriculture de notre région.


M. Raquet. - Messieurs, je me bornerai à présenter au Sénat quelques raisons d’ordre pratique qui militent en faveur de l’adoption du projet de loi en discussion.

Je n’ai pas entendu sans surprise dire à cette tribune que la France ne produisait que des blés de qualité inférieure ; c’est un argument que, dans une précédente séance, l’éloquent M. Prevet a présenté, et qu’il n’a pas, heureusement réédité aujourd’hui.

Nous ferions du mauvais blé en France et il faudrait absolument donner la préférence au blé étranger ! J’avoue, messieurs, que je ne comprends pas.

M. Prevet. - Je n’ai pas parlé de la Somme, mon cher collègue.

M. Raquet. - Monsieur Prevet, n’allez-pas, je vous prie, m’interrompre, vous abuseriez de la supériorité de vos moyens ; je n’ai pas l’habitude des auditoires nombreux (1) et vous aurez le droit de me répondre tout à l’heure. (Parlez ! Parlez !)

M. le Président. - Messieurs, c’est la première fois que notre collègue aborde la tribune, je prie le Sénat de bien vouloir l’écouter.

M. Raquet - Je dis que le Nord, l’Est, l’Ouest et le Centre peuvent faire avec leurs blés, des farines excellentes pour le pain, et j’ajoute que le Midi, au besoin, peut faire des farines pour pâtes alimentaires et qu’il en a fait pendant longtemps.

Le Sénat n’ignore pas qu’autrefois, en effet, cette industrie des pâtes alimentaires, qui exige des farines très riches en gluten, était très développée à Clermont-Ferrand. (Très bien ! sur plusieurs bancs.)

Le Bottin de 1884 donne les noms de dix gros fabricants ; il en reste deux au Bottin cette année.

C’est donc une industrie compromise sinon complètement tombée ; elle était alimentée autrefois avec les blés riches en gluten qui venaient surtout de la Limagne. Ne dites donc pas qu’il est absolument nécessaire d’avoir recours à l’étranger pour faire des pâtes alimentaires ou pour avoir du pain de qualité supérieure. Sachez bien, messieurs, qu’on ne peut faire du très bon pain qu’avec des farines ayant du gluten en quantité convenable, c’est-à-dire moyenne : je veux dire ayant de 12 à 13 p. 100 de gluten, au plus. M. Couteaux a parlé de 40 p. 100 : il s’agit, bien entendu, de gluten humide, et non pas de gluten sec. (Très bien ! Très bien ! ).

Or, nous obtenons en France, dans le Nord, dans l’Ouest, dans l’Est et dans le Centre, des farines ayant cette richesse ; et si l’on faisait du pain avec des farines beaucoup plus riches en gluten, ayant, par exemple, de 15 à 16% de gluten, on n’obtiendrait qu’un pain absolument médiocre, dur et sec.

Quand on a des farines très riches, on les mélange avec des farines moins riches. Donc il faut, pour le pain, des farines moyennement riches en gluten, tandis que pour les pâtes alimentaires, il faut des farines vraiment riches en gluten. Nous pouvons produire les unes et les autres. (Très bien ! Très bien ! et applaudissements sur un grand nombre de bancs. )

On a dit encore que la France ne fabriquait guère de pain qu’avec des farines pauvres ; messieurs, il est impossible qu’il en soit ainsi, car les boulangers connaissent trop bien leur métier, ainsi que les minotiers, pour acheter des farines pauvres en gluten, et ils n’ont pas besoin du concours d’un chimiste pour reconnaître la qualité de la marchandise qui leur est livrée. Quand on donne aux boulangers des farines relativement riches en gluten, c’est-à-dire faite avec de bons blés, ils arrivent avec 100 kgr. de farine, à faire 132 à 134 kgr. de pain. Si, au contraire, on leur donne des farines pauvres en gluten provenant de blés comme le blé danois ou sherrif, au lieu de faire 132 à 134 kgr. de pain, ils en font 128 ; c’est là un résultat facile à vérifier quotidiennement et, dès lors, si le boulanger croit avoir à se plaindre de la farine qui lui a été livrée, à la première rencontre il dira au minotier : « Vous m’avez trompé, vous m’avez donné de mauvais blé : je n’en veux plus ! »

Le minotier, à son tour, se retournera contre le cultivateur et lui dira : « Je ne veux pas de votre blé. » C’est pour des raisons de cet ordre, que les fameux blés à grand rendement dont parlait M. Prevet sont absolument abandonnés. Vous n’en trouveriez pas dans notre département trois hectolitres à l’heure présente. Voilà ces blés à grand rendement, mais pauvres, qui nous obligent, dit-on, à faire des importations ! C’est une erreur.

Nous faisons de très bons blés et, avec ces blés, de très bon pain, et, sans vous en douter, vous en mangez à Paris. Il ne faut pas croire que l’on ne fasse de pain qu’avec les blés étrangers. Dans les années humides, je le reconnais, il arrive que nos blés soient n peu moites ; on y ajoute alors d’autre blé ; mais ce n’est pas une règle générale et il ne faut pas accorder des faveurs particulières aux blés étrangers, sous prétexte qu’ils sont nécessaires.

M. Hervé de Saisy. - Très bien !

M. Raquet. - Voilà en ce qui concerne la question des variétés de blés.

Mais il y a un fait que je voudrais signaler avant d’arriver à la question du travail national, et dans le travail national, vous me permettrez bien de comprendre le travail agricole.

Ce fait, c’est que le meunier, le petit meunier – je ne parle pas des grands minotiers spéculateurs – a les meilleurs rapports avec le cultivateur, et je suis vraiment touché, quand je vois ce dernier apporter son blé au meunier sans demander quel prix on le lui payera ; il s’en rapporte au meunier avec lequel il s’entend très bien ; le petit meunier, ensuite, s’entend avec le boulanger. Tout cela ne peut se faire qu’à la condition de livrer loyalement du blé de bonne qualité. On ne fait pas de prix, pourquoi ? J’ai souvent posé la question aux cultivateurs, qui me répondaient : [...]

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Article ajouté sur le site du PA le 13/03/2017 à 17h15min02s



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